L’Étudiant noir

II- 2 : L’Étudiant Noir[1]

(Lire la suite dans l’intégralité du dossier« Le rôle des revues dans la définition de la littérature afro-caribéenne des années 1930 » ici)

L’orientation éditoriale de Légitime Défense va toutefois servir à poser les fondements d’un autre journal, l’Étudiant Noir, crée en 1934 par Aimé Césaire, Léon Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor et sous-titré l’étudiant martiniquais. La dimension culturelle prend une plus grande importance. L’Étudiant Noir a pour objectif de lever les barrières géographiques et historiques entre Africains et Antillais : « l’Étudiant Noir, journal corporatif et de combat, avait pour objectif la fin de la tribalisation, du système clanique en vigueur au Quartier Latin. On cessait d’être étudiant martiniquais, guadeloupéen, guyanais, africain et malgache, pour n’être qu’un seul et même étudiant noir. »[2] C’est au sein de cette revue que Aimé Césaire va définir  le concept de négritude[3]  dont il fait l’usage pour la première fois dans un article intitulé : « Jeunesse noire et assimilation ».

Leur objectif est de toucher et de susciter[4] le questionnement chez le plus grand nombre de personnes dans le monde étudiant et chez les intellectuels, principalement les noirs. Les témoignages recueillis et publiés sous la rubrique « Autour de l’étudiant noir » leur permettent de mesurer l’efficacité de leur projet : « Nous avons reçu de la Martinique et de la Guadeloupe de nombreuses lettres nous félicitant de la bonne tenue de notre organe ». Extrait de l’une de ces lettres, en provenance de la Guadeloupe : « Les numéros de l’Étudiant Noir qui nous sont parvenus nous ont vivement intéressés : trop longtemps les Antillais ont tourné le dos aux richesses de leur race d’où la pauvreté littéraire et artistique de nos « isolés »[5].

Autant la collaboration entre Antillais et Africains était forte dans L’Etudiant noir et dans Légitime défense, autant la fin de la publication de ces revues suscite chez les auteurs le même désir de récréer des organes similaires une fois rentrés au pays natal. C’est ce qui justifie la création des revues Tropiques et Présence africaine, animées par deux figures importantes de la littérature africaine et antillaise : Aimé Césaire et Alioune Diop.

[1] Fac-similé du n°1 et 3 de L’Étudiant Noir (mai-juin 1935) disponible sur www.letudiantnoir.com ».

[2] Léon-Gontran Damas, cité par Lilyan Kesteloot in Anthologie négro-africaine, Vanves, Edicif, 1992.

[3] Césaire, cité par le journal Liberté 3, la définit ainsi : « La Négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. » (http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/aime-cesaire/negritude.asp).

[4] Senghor écrit : “Nous étions alors plongés, avec quelques autres étudiants noirs, dans une sorte de désespoir panique. L’horizon était bouché. Nulle réforme en perspective, et les colonisateurs légitimaient notre dépendance politique et économique par la théorie de la table rase. Nous n’avions, estimaient-ils, rien inventé, rien créé, ni sculpté, ni peint, ni chanté… pour asseoir une révolution efficace, il nous fallait d’abord nous débarrasser de nos vêtements d’emprunt, ceux de l’assimilation, et affirmer notre être, c’est-à-dire, notre négritude. » (Cité par Lilyan Kesteloot, Les Écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature, Bruxelles, 1965, p. 340).

[5] Fac-similé de L’Étudiant Noir, numéro 1, mai 1935.

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