À mains levés

Ariane Mawaffo et Jocelyn Kagina propose un voyage photo📸 et dessin🎨 dans l’univers de la main✋🏾. Organe corporel aux fonctions infinies, les mains étonnent et fascinent par la multiplicité des histoires qu’elles racontent. Que ce soit pour exprimer sa gratitude🙌 ou encore pour formuler une prière🙏🏽, que ce soit pour entourer l’être aimé ou pour se protéger de toute malveillance, elles nous accompagnent au quotidien et portent en elles la geste de nos parcours individuels et collectifs si riches et si uniques💫.

Cette expo a été publiée à l’origine le 8 avril 2021 sous le titre « Prends ma main ». Lire le texte à la fin de l’expo-photo.

Expo photo « Prends ma main »

La main… cet organe fascinant qui occupe une place importante chez l’humain. La main, (du latin : manus, « côté du corps ») a toujours suscité un intérêt particulier du fait de la vaste palette d’actions qu’elle est capable d’effectuer : saisir, attraper, toucher, caresser, embrasser, communiquer, frapper, servir à se défendre, protéger, consoler, jouer d’un instrument, battre la mesure, diriger, soutenir, accompagner, aimer … autant dire que les possibilités sont infinies. C’est peut être ce qui a fait dire au philosophe Anaxagore de Clazomènes que «“L’homme pense parce qu’il a des mains.”»

Dans l’histoire de l’art, la main est un sujet qui passionne et ce dès la préhistoire. Elle est omniprésente dans l’iconographie religieuse, servant de support à la prière ou symbolisant la protection. Le pouvoir judiciaire populaire s’empare de la main au sens littéral du terme pour rendre justice et elle est coupée lorsqu’il s’agit d’asservir des peuples. Les sciences occultent s’en servent pour lire l’avenir et aujourd’hui, elle nous donne des indications précises sur le métier d’une personne. Dans le langage, les métaphores autour de la main foisonnent : ainsi, lorsqu’on a le cœur sur la main, on fait preuve de générosité, tout comme lorsqu’on garde la main tendue pour permettre à ceux qui en ont besoin de la prendre. On est prêt à se la faire couper pour marquer sa certitude, ou alors on préfère l’évitement devant une situation en se lavant les mains, ou en la balayant d’un revers de la main : on est sûr d’avoir la main sur nos ressentis , on a un mainmise sur notre parcours et il est hors de question d’être pris la main dans le sac .

Dans notre société, au delà de sceller les relations amicales, amoureuses ou d’affaire, la main est un symbole de confiance : elle porte la marque de l’engagement marital, on la tient près du cœur pour la signifier envers quelqu’un ou un état, mais aussi c’est à travers elle que l’on va décider d’accorder notre confiance à une personne que l’on rencontre pour la première fois  en ceci qu’elle constitue  le premier point de contact avec l’altérité. On la brandit sous la forme d’un poing pour manifester notre accord ou notre désaccord, pour exprimer notre résilience ou notre combativité, on y met toute notre ferveur et toute notre âme. Que l’on soit jeune ou que l’on soit vieux, que l’on soit à venir ou que l’on soit sur le départ, nos mains donnent des informations précieuses sur notre vie et nous les chérissons pour cela.

Bref, il y a énormément de choses à dire à propos de la main et la récente pandémie de COVID 19 a tout à coup obligé 7 milliard d’êtres humains à repenser à cet organe qui est souvent pris pour acquis. En effet, les mains ont été au cœur des politiques de luttes contre la maladie. Durant cette période et longtemps après, il est ainsi recommandé de se les laver régulièrement mais aussi et surtout, grand bouleversement dans des habitudes désormais séculaires, d’éviter de les utiliser pour créer un contact physique : la traditionnelle poignée de mains devient désormais proscrite, au profit très rapidement du coude ou de l’avant-bras. Et c’est cette pandémie qui me donne l’occasion d’effectuer un travail photographique qui se propose d’explorer, en plusieurs temps, la magie des mains.

Une autre raison explique cet engouement pour les mains. Il s’agit d’une gestuelle quasi cérémoniale que j’effectue encore aujourd’hui de manière mécanique. Depuis toute petite, ma mère m’a enseigné une pratique en rapport avec les mains qui ont eu un impact considérable sur moi. Elle s’appelle le « Tétcheu Mpò ». Il s’agit d’une injonction en langue Nguemba qui signifie « Joins les mains ». Il s’agit d’un geste qui est enseigné dès le plus jeune âge et que l’on exécute lorsqu’on reçoit quelque chose. Le geste consiste à joindre les deux mains en coupe et symbolise la reconnaissance et la gratitude envers ce qui nous est donné. La forme du geste évolue avec l’âge. Cette fois-ci, la main gauche se pose sur l’avant-bras droit et le bras droit se tend pour recevoir , le tout accompagné d’une légère génuflexion. Une manière de faire qui m’est restée même si j’habite désormais dans un pays où il ne s’exprime pas dans les habitudes culturelles.

Voilà donc l’histoire qui encadre cette exploration photographique qui va se faire en plusieurs mouvements. Aujourd’hui, 8 avril date anniversaire du site, mais aussi date anniversaire de la rencontre avec celui qui va devenir mon mari, celui qui m’a tendue la main dans un moment particulier de ma vie, je vous présente le premier mouvement de cette exposition photo intitulée : « Prends ma main ».

Ariane Mawaffo