Domshine / Homardpayette, photographe de danse et artiste de cœur

Domshine / Homardpayette, photographe de danse et artiste de cœur

 

Ses photos ont cette particularité d’être… vivantes. On dirait le début d’un spin-off de Harry Potter, et pourtant il s’agit d’un tout autre magicien: Dominique Shine alias Domshine/ Homardpayette. Ce  jeune photographe est devenu célèbre dans le milieu artistique international grâce à ses créations photos et vidéos dont la danse, en général, constitue le thème central. Le maître du mouvement, c’est lui. Il est partout et on veut le voir partout: Groove N Move, Juste Debout, Break the floor ou encore le Red Bull BC One pour ne citer que les événements les plus notables. En seulement quelques années, il a su imposer, avec discrétion et justesse, une marque de fabrique désormais incontournable. Découvrez, à travers cet interview-fleuve en 2 parties, son travail,  ses projets, ses passions, ses convictions… Domshine/Homardpayette signé Ariane Mawaffo.

 

Ariane  Mawaffo : Domshine, Homardpayette, que préfères-tu ?

Domshine/ Homarpayette: Les deux. Homardpayette à l’origine est un délire : les gens ont fini par m’identifier en tant que tel après que je me suis créé une adresse courriel avec ce pseudonyme qui me servait à signer mes photos. Domshine tient de la volonté de me créer un véritable nom d’artiste ; J’ai souhaité opérer une transition de Homardpayette vers Domshine et ne garder que ce dernier, mais le côté humoristique et quelque peu mystérieux du premier nom me retient de le faire. En effet, avant de me voir, les gens imaginent que je suis arabe[1] ou noir et sont loin d’imaginer que je suis asiatique, ce qui a toujours étonné.

Également, pour une raison plus pratique, ce nom est lié à l’événement que j’organise : le Defipayette [2].

A.M.: Ton site homardpayette.com annonce très sobrement : Homardpayette, photographe. Comment en es-tu arrivé à la photographie ?

D/H: J’ai toujours beaucoup aimé tout ce qui avait trait à l’art de créer. Petit, je voulais devenir dessinateur ; plus grand, ma passion pour l’artistique s’est concrétisée dans l’infographie et le stylisme. Mais, vers l’âge de 20 ans, j’ai souffert d’une phobie sociale qui a eu pour conséquence un enfermement total : durant deux ans, j’ai refusé de mettre le nez dehors et c’est grâce à la photo que je me suis ré-ouvert au monde extérieur.

A.M.: Comment cette reprise de contact  s’est-elle passée ?

D/H: Je me suis dit, notamment grâce à ma meilleure amie qui voyageait beaucoup, que cette situation n’allait pas être indéfinie et qu’il fallait que je me bouge. J’ai commencé à voyager  avec mon appareil photo et à m’en servir dans différents domaines. La photo est un excellent prétexte pour casser les barrières sociales, pour parler à des personnes de tous les horizons. Il est difficile d’aborder une personne et de lui dire de but en blanc : « bonjour je m’intéresse à toi »  les gens te prennent pour un fou et cela peut bloquer.

Mais, avec l’appareil photo, c’est une situation plus « normale » où on se sent plus à l’aise et plus à même d’aller vers l’autre. Après avoir vu mes photos, mon entourage m’a vivement encouragé à me lancer dans cette voie, car selon eux, j’avais un « truc », ce que je ne comprenais pas vu que j’avais peur des gens. Mes parents m’ont offert des livres sur la photo que j’ai refermés aussi vite ; j’ai préféré y aller en autodidacte, le cœur et l’esprit vierges de tout type de formation. J’avais envie de créer quelque chose par moi-même, de faire des photos selon mon ressenti, ma vision.

A.M.: Et comment en arrives-tu à te spécialiser dans les photos de danse :

 

D/H: Des danseurs de hip hop avaient pour habitude de s’entraîner à côté de chez moi. J’ai commencé peu à peu à les prendre en photo. Plus je les fréquentais, plus je me rendais compte que, contrairement aux idées reçues, le milieu de la danse hip hop représentait tout ce que j’ai toujours recherché en termes de valeurs. Ce qui m’a plu, c’est le fait de rencontrer des gens qui prônent et vivent l’échange dans l’essence de sa définition, qui ne prêtent pas d’importance aux couleurs de peau, d’origine, d’âge ou de  situation sociale, des gens pour qui l’humilité, le respect et le dépassement de soi constituent la norme. Contrairement à ce qu’on imagine –  c’est étonnant, parce que les idées reçues à propos de la danse hip hop sont profondément ancrées dans certaines mentalités – il s’agit  d’une belle culture,  pleine de savoir- vivre, qui gagnerait à être plus mise sur le devant de la scène.

 

A.M.: Tu déclares que tu n’es pas « Hip Hop ». Mais quand on regarde tes photos, on se dit qu’il faut avoir « le truc » pour saisir ainsi l’émotion du moment. Comment est-ce possible ?

D/H: Je ne me revendique pas Hip Hop. J’aime la danse, je suis photographe, mais je ne suis pas « Hip Hop ». D’ailleurs, je reprendrais les mots de Popmaster Fabel (figure légendaire du Hip Hop, ndlr), qui s’interroge sur le sens à donner au mot « Hip Hop » : que signifie être Hip Hop ?

Je veux bien concéder qu’on fait du Hip Hop, mais qu’est-ce que cela signifie ? Les grapheurs, les DJ, les danseurs me disent que je suis Hip Hop. Je comprends ce qu’ils veulent dire, à force de voyager dans cette culture. J’ai sûrement une « créativité danse » parce que justement mon inspiration première me vient au contact de cet art.  Je me suis juste amusé, en tant qu’autodidacte, à mettre en exergue une culture encore mal comprise qui, pour moi, n’est qu’aux balbutiements des possibilités. Mais de là à être Hip Hop, non, je ne pense pas.

R.E.E.L. : De ta chambre de laquelle tu refuses de sortir au fait que ton nom soit  rattaché aux grands événements danses et compagnies en Europe, sans oublier le fait que tu remportes en octobre 2013 le concours Launching People de Samsung pour ton projet Je rêve et je fais,  il y a eu énormément de chemin. Comment en es-tu arrivé là ?

 

D/H: Je voulais me donner les moyens de réussir dans ce que j’aime. J’ai travaillé dur avec cet objectif en tête et c’est seulement en 2011 que j’ai pris conscience de ma grande créativité. Je donne le meilleur et j’essaie d’être à la pointe que ce soit en ce qui concerne le matériel que dans mon savoir faire. Peu à peu, les compagnies de danse de la région (Sixième sens en guise d’exemple) ont eu recours à mes services  et, de fil à aiguille, je me suis retrouvé très rapidement dans les grands événements. Également, le fait qu’il n’y avait pas, dix ans auparavant, de photographes professionnels dans le domaine de la danse a joué en ma faveur. Je suis arrivé au bon moment, j’aimais la danse et je voulais travailler dans la photo, le trio gagnant.

R.E.E.L. : Que fait Domshine en dehors de tout ce qui est artistique ?

D/H: Avant, Homardpayette n’avait pas de vie ; c’était un Asiatique qui passait son temps à travailler, à consacrer son énergie à ses projets même si c’était épuisant. Depuis quelques mois maintenant, je prends plus de temps pour moi, pour sortir avec mes amis, m’amuser, vivre finalement. J’ai l’impression de  mieux aimer tout ce que je fais, ce que je vais faire… j’aimerais me mettre à danser, pour changer, tiens! (rires).  Ayant été quelqu’un de complexé, je n’ai jamais osé danser, j’ai seulement l’impression de grandir, même si je viens d’avoir 35 ans. Je suis en train d’assumer que je suis grand. Sur une chaîne YouTube institulée Moodstep, des gens sont questionnés à propos de la notion du bonheur. Une des personnes a répondu : «  le bonheur c’est faire ce qu’on aime, avec les gens qu’on aime pour les gens qu’on aime ». Je suis d’accord avec cela. Je n’ai cure ni d’une belle voiture ni d’une télévision, je ne suis pas matérialiste. Il y a plein de belles choses à faire et j’aime le faire avec ceux que j’apprécie, pour moi, c’est ça le bonheur.

 

R.E.E.L. : Des projets ?

D/H: Aller au Cameroun (rires !) et sinon mon projet intéractif sur les danses. Cela fait plusieurs années que je travaille dessus. Ce n’est pas vraiment facile et c’est plutôt coûteux. Mais je n’abandonne pas !

R.E.E.L. : Un mot pour la fin :

D/H: Je rêve et je fais. Cette phrase a l’air mièvre, mais elle parvient à condenser l’essence de mon ressenti face à la vie. On n’a qu’une vie ; il faut au moins essayer de faire ce qu’on aime.

[1] A cause de l’homophonie Omar-Homard. (ndlr)

[2] Le Défipayette est une compétition de danse durant laquelle se rencontrent touts les styles peuvent se confronter sur de la musique live. C’est également l’une des rares compétitions où le public peut voter et encourager les danseurs… à l’aide de paillettes. En savoir plus dans la deuxième partie de cette interview. (ndlr)

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