Cette année, je me suis à nouveau rendue à la manifestation en faveur de @La grève des femmes, grève féministe . Si globalement moins de personnes étaient présentes, l’envie de se battre pour faire entendre notre demande reste la même :que la femme occupe cette place dans l’espace public qui lui dévolue de fait.
Toute petite, j’ai compris que j’étais une fille. J’ai très tôt compris que je n’avais pas les mêmes droits que mon petit frère, même si dans ma famille, on appliquait religieusement le droit d’aînesse : « c’est l’aînée qui a la prérogative! » Par contre, l’injonction de genre n’était pas omniprésent dans ma famille, elle provenait plutôt de la société au sein de laquelle nous étions obligé.es d’évoluer. Aussi, mes parents ont mis un point d’honneur à nous éduquer sans réellement faire de distinction de genre : les filles et les garçons, même tâche et pas de négociation. J’ai en tête deux exemples assez précis : le chemin qui menait vers la maison était tout le temps parsemé de nids de poules; pour y remédier, mon père un jour a décidé de déplacer de grosses pierres pour boucher ces trous. A cette époque, je devais avoir 14-15 ans. Sans se questionner sur mes capacités physiques, mon père m’a tout simplement demandé de l’aider à déplacer ces pierres. Elles étaient grosses et lourdes mais sans rechigner, j’y suis allée. Et c’était comme cela tout le temps. Je l’accompagnais au garage, aux champs, à certaines de ses réunions d’affaire, etc. Bon le fait que je suis une grande curieuse a peut être joué un grand rôle mais je l’accompagnais ua même titre que mes oncles.
Pour le deuxième exemple, il s’agit de ma mère, féministe avant-gardiste qui , même si elle s’est mariée très tôt, a rapidement compris que sa liberté en tant que femme résiderait dans sa capacité à occuper un poste de travail et, par conséquent, dans sa liberté financière. Du coup, elle ne cessait de me dire : « Ariane, ton premier mari sera ton travail! ». Nous y avons toustes eu droit à cette recommandation. Elle aimait aussi insister sur le fait que ce n’était pas forcément aux filles de faire à manger et, même si je l’ai vu faire à manger pour feu mon père toute sa vie, nous n’y étions absolument pas contraintes. Mon petit frère a dû apprendre à se faire à manger dans la mesure où, lorsqu’il lui disait qu’il avait faim, elle répondait invariablement : « entre dans la cuisine, voilà la casserole, voici le riz, cuisine ou mange mon bras! » Ah ma mère!
Et donc, même si j’avais eu une éducation plutôt égalitaire, je ne m’étais jamais vraiment pensé en tant que femme et donc en tant que victime d’une oppression due à la société patriarcale. J’avais une conscience d’une certaine violence du fait de mon genre ( sexuelle, verbale, physique, psychologique, etc. ) mais sans plus. J’étais même de celleux qui utilisaient des expressions : « tu pleures comme une fillette/ tu t’habilles comme une pute / t’es une vraie femmelette / tu écris comme une femme », etc. Malgré un long processus de déconstruction, mon discours reste encore habité par ces propos de dénigrement envers mon propre genre. Deux livres m’ont quand même mis la puce à l’ »oreille : « Vies de femmes » de Delphine Zanga Tsogo et « La parole aux Négresses » de Awa Thiam.
Et puis, j’ai suivie un cours à l’uni en option « Etudes genres ». Dès lors, j’ai commencé à questionner ma place en tant que femme dans cette société et je peux vous dire que c’est pas joli-joli. J’ai pris conscience de l’intersectionalité des oppressions que je subis au quotidien et si cela m’a effrayé au débu, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce passage a l’uni m’a fait produire deux travaux, le premier sur l’arrivée des femmes dans les littératures africaines ( https://arianemawaffo.com/femmes-et-ecriture-en-afrique-subsaharienne/ ) et le second sur la naissance du Black Féminism aux USA (https://arianemawaffo.com/le-mouvement-black-feminism-aux-etats-unis-un-mouvement-a-lintersection-des-oppressions/). Les inégalités homme-femme sont une réalité cruelle que nous devons combattre à tout prix. Je crois en la force et au pouvoir de l’éducation et de la lecture. Demander l’équité, ce n’est pas se poser en ennemi.es des hommes, c’est se poser en ennemi.es d’une logique absurde que 50% de l’humanité est dominée du fait de son genre. Cette année, je dédie ces photos à toutes les femmes* qui gardent la tête haute. Cette année, je réaffirme ma fierté d’être la femme, la féministe que je suis. Merci mère et père.
TW : Dans ce texte, je parle du point de vue d’une femme cis* hétéro et donc de mon expérience personnelle. Le combat nous concernent cependant toust.esX.