Femmes et écriture en Afrique subsaharienne

Femmes et écriture en Afrique subsaharienne

1- Le contexte

******Durant les années 20, de nouvelles voix originaires du continent africain s’élèvent et s’émancipent progressivement du diktat de la création littéraire telle que codifiée par l’Occident. On distingue plusieurs phases dans ce processus : tout d’abord, une phase littéraire dont les hommes noirs sont les objets du discours mais au sein duquel ils ne peuvent s’exprimer ni librement ni directement. Puis, progressivement, va naître une littérature qui met l’homme noir à la fois en tant que sujet et objet de son propos. Entre 1920 et 1970, Négro-Renaissance, Négritude et Tigritude sont quelques-uns des mouvements de pensées qui font partie de cette seconde vague qui participe de la prise de conscience de la particularité nègre. Parmi les acteurs de ces mouvements, on peut citer René Maran, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Mongo Beti. Des écrivains qui ont, à leur manière, marqué l’histoire de la création d’une littérature africaine francophone.

*****On constate que si la création d’une littérature africaine est fortement rattachée au contexte socio-politique qui prévaut et que son ambition est justement de dénoncer les travers qui y sont inhérents, ceux qui prennent la parole sont principalement des hommes. En effet, cet univers, qui se construit peu à peu et dont les caractéristiques sont en cours de codification, semble tenir la voix féminine à l’écart. Arlette Chemin Dégrange, dans l’une des toutes premières publications critiques à propos de la littérature africaine en général : « Emancipation féminine et roman africain » déclare:  il n’existe pas de femme à l’heure actuelle qui ait pensé sa propre condition et donné à sa réflexion la forme d’une fiction romanesque.  ( Dégrange, 1980). Pourtant, cela fait plus d’une vingtaine d’année qu’une femme africaine, une Camerounaise appelée Marie-Claire Matip, élève au Collège moderne des jeunes filles de Douala, remporte le prix d’un concours organisé par le magazine Elle et AIR France. Il s’agit d’un prix récompensant son texte littéraire intitulé Ngonda[1]. Nous sommes en 1956. En  1968, la camerounaise Thérèse Kuoh-Moukoury publie Rencontres essentielles, un ouvrage considéré comme le premier roman en prose écrit par une femme africaine.

*****Cet article se propose de dresser un portrait du paysage littéraire africain sous le prisme de la parole féminine des années 1920 à nos jours.
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[1] Marie-Claire Matip, Ngonda, Pitoa, Bibliothèque du jeune africain, 1956, Douala et Yaoundé, Librairie Au Messager, 1958 (2e éd.), 48 p.

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Couverture du livre Ngonda

Marie Claire Matip

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Thérèse Kuoh-Moukoury

Écrivaine

Thérèse Kuoh-Moukoury

2- Place dans la société et éducation

******Les propos de Chemin Dégrange ne sont pas étonnants. En effet, pour plusieurs raisons, les femmes sont victimes d’une  invisibilisation dans le domaine de la littérature francophone africaine du moins lorsqu’elles prennent la parole pour se dire elles-mêmes sans intermédiaire masculin.

******L’une de ces raisons se retrouve dans le fait que la société africaine à dominante patriarcal range les femmes dans une catégorie sociale en lien avec leur capacité reproductrice :  celle de  femme, d’ épouse et de mère. C’est l’image tenace que la littérature francophone africaine à ses balbutiements va contribuer à véhiculer. La conséquence de cette catégorisation est que même si la femme est très présente dans les textes littéraires déjà produits à cette époque, elle est systématiquement représentée en position d’objet et de subalterne et n’a pas droit à la parole. On pense notamment au magnifique poème de Senghor « Femme nue, femme noire » (Chants d’ombres, 1945), qui, tout en faisant l’éloge de la femme, rappelle cette condition qui est la leur et dont il est difficile pour elles de se détacher. C’est ce qu’on peut lire de manière subtile dans les vers ci-dessous. Le poète souligne le rapport mère-enfant à travers l’utilisation du verbe « grandir » et à travers la qualification de la texture des mains de la femme qu’il glorifie :

Femme nue, femme noire
[…]
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux.

******Avec la colonisation, cette position de subalterne est doublement renforcée et la femme se retrouve à subir, au-delà du système patriarcal, la domination blanche tant masculine que féminine. Il n’est donc pas surprenant que dans ce contexte, le lecteur a encore du mal à accepter qu’une femme puisse ne serait-ce qu’imaginer s’écarter de cette position et oser se permettre des réflexions qui vont contre le système dominant.

******L’autre raison qui découle de la première repose sur  l’accès tardif à l’éducation des femmes et sur la qualité amoindrie de cette éducation. Dans certains pays africains, le type et la qualité de l’éducation diffèrent en fonction du sexe. La raison en est que dès toute petite, la fille est conditionnée pour tenir le rôle de future femme, mère et épouse. En guise d’exemple, au Mali, un rituel lié à la naissance d’un fille veut que lorsqu’on enterre son placenta, les mots suivants soient prononcés : « A be ga so kono », en français, « elle est dans la cuisine ». Pour le peuple Maasi en Tanzanie, si l’école pour les garçons est déjà considérée comme un frein pour leurs activités pastorales, elle est complètement inutile pour les filles destinées à quitter le foyer parental pour vivre dans le « boma », le foyer de leur époux.  Il est, par conséquent, difficile pour elle de bénéficier d’une éducation de qualité, ce qui n’est pas le cas du garçon dont l’accès à l’école est grandement encouragé et facilité. Par exemple, en 1990, au Cameroun, sur 16 020 élèves inscrits en deuxième année du collège, seulement 4517 sont des filles.

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Pour aller plus loin:
– Milolo, Kembe, L’image de la femme chez les romancières de l’Afrique noire francophone, Editions Universitaires Fribourg Suisse : Fribourg, 1986.
– Lange, Marie – France (Sous la direction de), L’école et les filles en Afrique – Scolarisation sous conditions, Ed. Karthala : Paris, 1998.
– Pierre Fonkoua, Cahiers africains de recherche en éducation, N°2 : « La scolarisation des filles au Cameroun – Jalons, repères et perspectives », L’Harmattan : Paris, 2006.

3- Une « apartheid de la gent »

******Et même, lorsqu’une fille peut avoir accès à l’école, la formation reste orientée vers l’apprentissage de toutes les techniques nécessaires au bon fonctionnement du foyer : couture, ménage, agriculture et éducation parentale. La chercheuse Lylian Kesteloot parle d’ailleurs d’« analphabétisation programmée ». ( Kesteloot, 2001). Aussi, très rares sont les filles qui vont au-delà de la dernière année de l’école primaire, malgré un encouragement et des campagnes en faveur de la scolarisation des filles.

******Au sein de la société traditionnelle, la situation est plus complexe. En général, les filles qui manifestent leur volonté de poursuivre leurs études plus loin que l’école primaire sont vite stigmatisées et découragées par leurs proches. Ils mettent en avant pour justifier cette stigmatisation leur crainte de voir la jeune fille faire l’expérience d’ d’une vie de solitude car trop intelligentes pour leur futur mari et donc moins dociles. « Une fille qui a été à l’école sera tentée d’oublier les règles de conduite vis-à-vis de son mari auquel elle doit respect, obéissance et soumission » (Richard Marcoux, 1998).

******La conséquence qui découle de cette stigmatisation est donc la quasi inexistence et l’invisibilisation de figures féminines d’autorité ayant atteint un haut niveau d’études. Dans les années 80, très peu d’enseignants sont des femmes. Il en est de même pour les femmes auteures. Même si elles écrivent, leur présence dans les manuels scolaires est également inexistante.  « En 1993, [au Cameroun ] une soixantaine de textes intégraux sont inscrits au programme de l’anglais et du français (Langue Seconde et Langue Étrangère) dont à peine trois sont écrits par des femmes, soit un rapport de 5% » affirme le Prof. Pierre Fandio qui pointe du doigt les problèmes de ce qu’il appelle une « apartheid du gent » en milieu scolaire. Il faudra attendre la même année pour  qu’un livre écrit par une femme soit mis au programme scolaire pour la première fois en Afrique subsaharienne : Sous la cendre le feu d’ Evelyne Mpoudi Ngolle, publié en 1990. Des problèmes qui trouvent leur source dans l’histoire qui est relatée jusqu’à ce jour à propos des circonstances de l’établissement d’une littérature africaine.

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Pour aller plus loin:
– Kesteloot, Lilyan, Histoire de la littérature Négro-Africaine, Ed. Karthala : Paris, 2001.
– Fandio, Pierre, « Le discours féminin au Cameroun et la loi du silence », in Palabres- Femmes et création littéraire en Afrique et aux Antilles, Vol. 3, N°1 et 2, avril 2000.
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Evelyne Mpoudi-Ngollé

Écrivaine

Evelyne Mpoudi-Ngollé

4- Une histoire critique au masculin

******L’histoire de l’établissement d’un canon d’une littérature francophone africaine d’expression française a ceci de particulier qu’elle a été écrite quasi du vivant de ses principaux acteurs. Jacques Chevrier, Locha Mateso, Lylian Kestelot, Josias
Semujanga etc. sont de grandes figures d’autorité dans le domaine de l’histoire littéraire africaine. Ils ont eu l’occasion de discuter avec les écrivains, et leurs travaux  sont un inestimable témoignage des combats de ces écrivains alors en quête de leur identité littéraire.

******Un travail de mémoire qui, toutefois, dans ses premiers sursauts, va contribuer également à maintenir la voix féminine à l’extérieur du champs d’intérêt. Si il est peu question de femmes dans l’édition de 2001 de Histoire de la littérature Négro-Africaine de Lylian Kesteloot, il n’y en a aucune dans « Littérature nègre » de Jacques Chevrier, publié en 1974; une seule femme, Mariama Bâ, apparaît dans l’anthologie du même auteur qui est publiée en 1981. Chevrier justifie le choix de ses œuvres par leur accessibilité et leur notoriété à cette époque – là. Un cercle vicieux s’installe, quand on suppose que la présence dans des études critiques de cette qualité peut être source de reconnaissance à un plus large échelon.

******Le rôle des revues créées dans les années 20 à Paris a été d’une très grande importance dans l’établissement d’un canon littéraire francophone. C’est le cas de L’Etudiant noir au sein de laquelle le concept de Négritude va se développer. Selon l’histoire rapportée à propos des circonstances de création de la revue, 3 noms reviennent en permanence : Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas. Lors du discours fondateur de la Négritude prononcé par Aimé Césaire à Dakar le 6 avril 1966, ce sont ces mêmes noms qu’il cite. Les femmes sont tenues à l’écart. Et pourtant, leur rôle a été plus que central. C’est à deux femmes en particulier, Paulette et Jane Nardal, que l’on doit « L’ Éveil de la conscience de race », bien avant l’arrivée de la Négritude…

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Pour en savoir plus :
– Chevrier, Jacques, Littérature nègre, Armand Colin : Paris, 1974.
– Herzberger-Fofana, Pierrette, Littérature féminine francophone d’Afrique Noire, L’Harmattan : Paris, 2000.

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Co fondatrice La Revue du Monde Noir

Paulette Nardal

5 – La Négritude au féminin

******Tanella Boni dans son article « Femmes en Négritude : Paulette Nardal et Suzanne Césaire » (2014) dissèque le rôle important de ces femmes dans la création d’espaces d’expression favorables aux écrivains noirs. Bien avant « L’étudiant noir », Paulette Nardal avait aidé à la création d’une revue, « La Revue du Monde Noir » en 1931.Elle y joue un rôle très actif avec sa soeur Jane Nardal . On lui doit notamment un « Salon » où les écrivains venaient chaque dimanche échanger leurs réflexions. Louis Thomas d’Achille, qui a fréquenté le salon « convivial et amical » des sœurs Nadal, témoigne: « Les soeurs Nardal rassemblèrent à Clamart près de Paris, des descendants des Africains déportés au nouveau Monde et dispersés sous une demi-douzaine de bannières nationales européennes. » Paulette Nardal se sert de cette tribune pour développer ses idées autour de « L’Eveil de la conscience de race », de l’article éponyme. Sa conclusion : « redonner aux Noirs la fierté d’être Noirs ».

******Suzanne Césaire, quant à elle, a joué un rôle plus que central dans la création et l’entretien de la revue « Tropiques » aux Antilles. On lui doit le concept de « païdeuma », une force imprévisible et profonde qui gît au plus profond de toute chose vivante, comme les civilisations et les cultures. Mais l’histoire a choisi de la réduire au silence et de minimiser son rôle en parallèle devant son époux, Aimé Césaire qui lui gagne en popularité et en visibilité. Chacune d’elle a pourtant activement participé à la création et à la réflexion entourant le concept de négritude, même si, et on se demande encore pourquoi, l’histoire a choisi de ne pas les prendre en compte. Selon une hypothèse de Tanella Boni, ce serait dû à une  » lutte des places sur le terrain du savoir ». Chacune de ces femmes a connu un sort qui à un moment critique, les a muselé et empêché de poursuivre plus loin leurs réflexions tandis que les hommes voyaient leur influence philosophique et littéraire grandir considérablement.

******Un autre nom qui n’est pas évoqué par l’histoire mais qui le mériterait est celui de la journaliste multitâche Annette Mbaye d’Erneville est née en 1926 à Sokone au Sénégal . Elle a commencé ses études primaires à Saint-Louis, les a poursuivies à l’Ecole normale de Rufisque, sous l ’influence avant-gardiste de Germaine Le Goff, et les a achevées à Paris par un diplôme de journaliste de radio. Elle est, de fait, la toute première femme journaliste du Sénégal. De retour au Sénégal en 1957, elle fonde la revue Femmes de soleil qui deviendra Awa en 1963, une revue très importante dont l’objectif est d’ y donner la parole aux femmes africaines. Elle a aussi dirigé le musée de la Femme Henriette-Bathily à Gorée. En somme, elle a effectué un trajet similaire à celui de Césaire ou de Senghor ( qui a été son tuteur par ailleurs), mais ne semble pas avoir  suffisamment retenu l’attention dans la postérité. Pourtant, on lui doit d’avoir apporté au célèbre écrivain Birago Diop le manuscrit de Une si longue lettre de Mariama Bâ. Cette œuvre retiendra l’attention à l’international grâce aux différentes thématiques qu’il aborde et à grâce à ses qualités littéraires. Des thématiques et une esthétique qui toutefois, loin de servir la cause féminine, ont grandement été discuté par la réception critique de l’époque.

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Pour aller plus loin:
-Tanella Boni, « Femmes en Négritude : Paulette Nardal et Suzanne Césaire », Rue Descartes 2014/4 (n° 83), p. 62-76.
– Herzberger-Fofana, Pierrette, Littérature féminine francophone d’Afrique Noire, L’Harmattan : Paris, 2000.
– Un documentaire sur Annette Mbaye d’Erneville réalisé par son fils https://www.youtube.com/watch?v=T8TTMNhQ66c

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Écrivaine

Annette Mbaye d’Erneville

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Écrivaine

Suzanne Césaire

6 – Une valeur esthétique méconnue

******Enfin, l’un des derniers freins à la reconnaissance de l’activité littéraire féminine africaine avant les années 80 est surtout dû à la valeur esthétique qui a été accordée aux textes publiés entre 1956 et 1980. Avant Mariama Bâ, les premiers théoriciens de la littérature africaine francophone refusent d’accorder aux textes écrits par une femme un poids en termes de littérarité principalement parce que les écrits sont en général des autobiographies ou des témoignages. Les sujets abordés par ces femmes constituent un frein à leur diffusion parce qu’ils révèlent au grand jour les difficultés qui constituent leur quotidien et qui en général sont le fait des hommes. Des difficultés qui ne coïncident pas forcément avec les grands maux dénoncés par leurs collègues masculins. C’est leur condition de femmes, avec toutes les problématiques qui s’y rattachent, qui leur fournit la matière de leurs écrits. La parole aux Négresses écrit par Awa Thiam en 1978, est un livre au sein duquel elle dénonce les violences de l’excision et de la société traditionnelle patriarcale qui prévaut au Sénégal.

******Toujours au Sénégal, Une si longue lettre de Mariama Bâ construit son discours autour de la condition de la femme au sein d’un foyer polygamique. La guinéenne Ama Ata Aidoo racontent la lutte incessante des femmes contre leur sort biologique dans « No sweetness here » en 1970. Si chacune de ces œuvres fait couler beaucoup d’encre, c’est surtout parce qu’elles mettent mal à l’aise et déconstruit le système patriarcal qui prévaut depuis la nuit des temps. De 1961, date de sa création, à 2015, seules 7 femmes ont reçu le Grand Prix littéraire d’Afrique noire. C’est peu.

******La littérature féminine africaine qui commence à se définir à ce moment-là est une littérature de transgression et de réappropriation du corps et de la parole féminine. C’est une littérature qui s’articule autour de la notion même du genre, et si on se pose la question de Virginia Woolf, « est-il néfaste pour qui veut écrire de penser son genre ? », les deux réponses oui et non se valent, en ceci qu’écrire en étant femme n’a pas mené à l’amélioration qu’elles souhaitaient mais a, au contraire, créer de nouvelles formes de stigmatisation. Toutefois, parce qu’il leur fallait s’emparer d’une voix qui leur avait été refusée à cause de leur genre et l’assumer pleinement, parce qu’elles sont femmes africaines ayant pour certaines vécues la domination masculine, elles sont les mieux à même de discourir sur ce propos, vêtues de leur casquette de femmes éduquées à l’école et au sein de leur maison familiale. Leur genre est donc profondément rattaché à leur poétique, à leur esthétique et à leur création; et si au début, elles n’avaient pas de réelles orientations ou de réelles volontés théoriques, les femmes écrivaines ont fini par investir un genre particulier : le roman de mœurs. A ce moment-là, elles découvrent qu’il est possible d’enfanter autre chose que des enfants : des idées.

******Au vu de tout ce qui précède, les héritières actuelles du combat pour la reconnaissance d’une voix féminine au sein de la littérature francophone se retrouvent d’une certaine manière obligée par la critique à prendre une position et à livrer un autre type de combat. Sont-elles des écrivains féministes, féminines ou tout simplement des écrivains ?

7- Un féminisme décrié

******Les femmes écrivent. Et leur écrit est celui de la transgression, de la déconstruction des normes du patriarcat. Un objectif qui rappelle celui du féminisme, qui prend sa source aux Etats-Unis dans les années 70 et qui affiche des « objectifs de lutte contre l’inégalité des sexes, mais s’efforce aussi d’affirmer et de représenter la « différence féminine », différence, disent les féministes, de sexualité, de perception du corps, d’expérience et de langage .

******Pourtant, plusieurs écrivaines ne s’inscrivent pas dans cette logique féministe. Herzberger-Fofana, dans son ouvrage Littérature féminine francophone d’Afrique noire  (2001)  raconte : « Au cours des entretiens que nous avons eu avec des romancières, nous avons constaté que nombreuses sont celles qui refusent l’étiquette de « féministe ». Et pour cause. Ce mouvement se retrouve entaché à tort d’une connotation négative en Afrique, et soulève méfiance et scepticisme. Les féministes sont perçues comme des « hystériques » autant par les hommes que par les femmes, la plupart des personnalités qui font autorité.

******Pour nombre donc de romancières, la qualification de « féministe » est pratiquement comme une condamnation littéraire, en ceci que par ce procédé leurs œuvres se voient réduire à une problématique extratextuelle. Mamé Seck Backé déclare : Il me semble péjoratif de parler de littérature féministe car c’est comme si on donnait l’impression que les femmes sont sur la touche… Feue Buchi Emecheta, célèbre romancière nigériane renchérit : « Que nous soyons féministes ou pas, l’essentiel, ce sont pour nous les enfants. Je suis féministe avec f minuscule car je ne hais pas les hommes ». Angèle Bassolé-Ouédraogo quant à elle ajoute que le féminisme dans notre contexte africain… c’est la conscience d’appartenir à une classe majoritaire qui ploie sous le joug de pratiques ancestrales… c’est d’œuvrer à sa propre libération économique d’abord puis culturelle, sociale et politique. Être féministe, c’est refuser la chosification, c’est refuser d’être considérée comme objet sexuel ou machine à procréer. Le féminisme, rassurez-vous, mes frères, ce n’est pas renverser une dictature pour en instaurer une autre ! Les femmes ne rêvent pas de régner sur vous et de vous rendre la monnaie de la pièce ». (Toutes ces citations sont extraites de Littérature féminine francophone d’Afrique noire ( Herzberger-Fofana, 2001).

******Irène Assiba d’Almeida et Sion Hamou, dans un article intitulé « L’écriture féminine en Afrique noire francophone : le temps du miroir » ( in Études littéraires, 1991),   vont déterminer plusieurs étapes d’écriture chez les femmes. Une première étape, autobiographique, une seconde non contestatrice mais qui se raconte, une troisième, avec un regard plus tourné vers l’extérieur et une quatrième, plus virulente, celle de l’écriture brisée dont la figure la plus représentative est Calixthe Beyala.

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Pour aller plus loin :
— Débat Femmes en littérature au Salon franco-africain de Lille, organisé en partenariat avec les Editions L’Harmattan en présence de Hemley Boum, Nathalie Philippe, Leïla Sebbar, Fatoumata Sidibé, samedi 1er novembre.
– Irène Assiba d’Almeida et Sion Hamou, « L’écriture féminine en Afrique noire francophone : le temps du miroir », Études littéraires, Volume 24, numéro 2, automne 1991, p. 41-50

http://www.cases-rebelles.org/feminismes-et-litterature-caribeenne/

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Awa Thiam

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Mariama Bâ

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Buchi Emechita

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La nouvelle génération

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Angèle Bassolé-Ouédraogo

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Angèle Bassolé-Ouédraogo

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Scholastique Mukasonga

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Tanella Boni

Écrivaine

Tanella Boni

Pour aller encore plus loin

L'Afrique écrite au féminin

L’Afrique écrite au féminin

Ce site propose un survol des ouvrages publiés en français par les femmes écrivains du continent africain, au sud du Sahara. Il vous permet de découvrir leurs romans, leurs nouvelles, leurs pièces de théâtre, leur poésie, quelques textes inédits et des interviews.