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Pourquoi j’enseigne : manifeste d’une enseignante de français

"Chacun sait bien que la pénombre jamais ne découragea la curiosité populaire."

Mongo Beti, Trop de soleil tue l'amour, 2011.

 

       Pour moi, enseigner le français, c’est transmettre sa passion pour les mots. C’est transmettre leur beauté, leur complexité, leur particularité et leur richesse.  C’est permettre aux élèves de ressentir cette beauté et d’encourager les élèves à s’approprier les outils pour leur permettre à leur tour de faire ressentir cette beauté. Cela passe par l’accompagnement des élèves dans la production de textes écrits et oraux, ce qui constitue une part selon moi dans l’enseignement du français. En effet, je suis convaincue que l’élève apprend énormément à travers le récit des histoires qu’elle aura elle-même créées et imaginées.

       L’enseignement du français est également un excellent moyen de permettre la rencontre avec d’autres cultures, d’autres formes de pensées. J’étais une élève plutôt passable dans les autres matières mais plutôt excellente en français. J’ai toujours eu une grande affection pour la matière, notamment pour la littérature, en ceci qu'elle me permettait de découvrir le monde et ses possibilités. Je pouvais m'échapper et rêver grâce aux récits protéiformes d’histoires qui construisent et ont construit notre monde. Je pouvais m’extirper de mon quotidien morne pour vivre des aventures diverses aux quatre coins du monde. La littérature forme et transforme et développe les imaginaires ; elle enseigne la compassion et participe à la compréhension mutuelle entre les peuples.

       De plus, comprendre le fonctionnement de la langue est un excellent moyen de se prémunir contre les techniques oratoires de manipulation et de conserver un regard critique primordial. Enseigner le français, c’est apprendre aux élèves à s’exprimer avec clarté, élégance, à structurer leurs pensées et ainsi à défendre leurs opinions. En effet, le degré de maîtrise du français est un marqueur social important et il est important de savoir s’en servir pour témoigner, protester, accuser, remercier, défendre.

       L’enseignante qui m’a le plus marquée est sans aucun doute ma mère qui, enseignante de français également, m’a transmis sa passion. Elle est un exemple selon moi et, en toute subjectivité, de l’enseignante idéale.

       L’enseignante idéale, est à la fois une gestionnaire, une psychologue, une pédagogue, une confidente, une guide et surtout une alliée. Elle prend à cœur d’offrir des outils à ses élèves pour leur permettre de développer leur autonomie intellectuelle et morale. Elle les accompagne dans la découverte de leur capacité à réfléchir sur le monde et à prendre confiance en eux et en leurs propres compétences.

       Pour ce qui est du cours idéal, ce serait, selon moi, celui qui ne se focaliserait pas uniquement sur un gigantesque objectif d’apprentissage immédiatement quantifiable, mais s’intègrerait dans un processus d’acquisition du savoir qui s’étalerait sur plusieurs années. Du cours idéal, l’élève pourrait retenir des savoirs utiles sur le moment, mais le plus important résiderait dans les notions qui lui seront toujours indispensables et mobilisables à tout moment. Enfin, le cours idéal est un cours qui fait la part belle à l’expérimentation et qui laisse la place surtout au tâtonnement, à l’essai, à l’échec et au recommencement, à l’image de mon propre parcours complètement atypique mais marquée par la richesse de l’expérience.

       En somme, je souhaite pour moi de ressembler à cette enseignante qui dispenserait ce cours idéal avec la même passion ; je souhaite pour mes élèves de perpétuellement continuer à réfléchir sur le monde, à rien accepter pour argent comptant sans remettre en question et à ne rien tenir pour acquis.  Enseigner le français, c’est contribuer au plein épanouissement du citoyen de demain.