Légitime Défense

II- 1 :  Légitime Défense[1]

(Lire la suite dans l’intégralité du dossier« Le rôle des revues dans la définition de la littérature afro-caribéenne des années 1930 » ici)

Légitime Défense fondée par, entre autres, Étienne Lero et Réné Menil, des membres démissionnaires de la RMN, est beaucoup plus radicale et beaucoup plus engagée sur le plan politique[2]. Les collaborateurs de la revue veulent « régler son compte à la laideur coloniale », ainsi que le rapporte Réné Ménil dans la préface de la réédition de 1979 du journal[3]. Dans l’avertissement du premier numéro, il est possible d’y percevoir l’acte de l’écriture chez ces auteurs, dans un premier temps, comme un combat. En s’adressant en particulier aux « jeunes Antillais français », les auteurs se « dressent contre tous ceux qui ne sont pas suffoqués par ce monde capitaliste chrétien, bourgeois dont à [leurs] corps défendants, [ils] font partie ». Ils sont prêts à se battre avec beaucoup d’énergie pour défendre leur idée. Le comité de Légitime Défense souligne ses objectifs dans l’avertissement : insuffler l’insurrection contre le système colonial. Selon Jacques Chevrier, les collaborateurs de Légitime Défense s’attaquent particulièrement à leurs compatriotes antillais : « L’instruction du procès intenté aux écrivains antillais portait à la fois sur la forme et le contenu de leurs œuvres. […] Légitime Défense dénonçait le caractère factice de la littérature antillaise ». C’est la raison pour laquelle il leur déclare une guerre ouverte en écrivant en conclusion de leur avertissement : « Issus de la bourgeoisie de couleur française, qui est une des choses les plus tristes du globe, nous déclarons […] que nous entendons, traîtres à cette classe, aller aussi loin que possible dans la voie de la trahison. Nous crachons sur tout ce qu’ils aiment, vénèrent, sur tout ce dont ils tirent nourriture et joie. »[4]

Deux méthodes sont proposées aux écrivains antillais pour sortir du système dans lequel ils sont : « prendre en charge le monde et ses problèmes, en une littérature qui chercherait à modifier l’existence et s’adresserait à ceux qui souffrent des mêmes passions, c’est la voie de l’efficacité ; ou bien s’approfondir soi-même, explorer son moi authentique riche des réserves troubles et dynamiques qui font son originalité c’est la voie de la découverte du vieux fond africain. »[5] Cette prise de position radicale est en complète rupture avec les valeurs culturelles défendues par La RMN. Les collaborateurs de Légitime Défense enfin se disent ouvertement surréalistes (ils empruntent le titre de la revue à André Breton), ce qui accentue l’aspect quasi avant-gardiste de leur engagement.  Le rapport de contestation avec le pouvoir colonial a pour effet de faire que la revue est immédiatement censurée par les autorités. La rédaction ne commet qu’un seul numéro. Toutefois, son rôle dans l’histoire littéraire africaine reste indéniable.

[1] Fac-similé de Légitime Défense, ed. Jean- Michel Place, Paris, 1979.

[2]Jacques Chevrier qualifie la revue de « bombe ». (Littérature nègre, op.cit.,  p. 33).

[3] Préface de Réné Ménil in Légitime Défense, op.cit

[4] Fac similé de Légitime Défense, op.cit.   

[5] Fac similé de Légitime Défense, ibid.

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