Une journée à Yaoundé.

Dès 6h du matin, tout le monde est debout. Ici, on se lève avec le soleil. Immédiatement, résonnent dans les cuisines les bruits des casseroles. Il faut faire le petit déjeuner. Dans la plupart des foyers, le petit dej’  est constitué de beignets, de haricots et d’une bouillie de maïs. Certaines fois, on réchauffe les restes du repas d’hier. Tout est bon tant que ça donne de la force pour le reste de la journée. Les cris des enfants affamés et impatients se mêlent au chant du coq et aux caquètements des poules. Le programme de la journée n’est jamais fixé à l’avance. Une voisine peut venir à tout moment pour récolter les derniers ragots du quartier. Pas besoin de rendez-vous, on est chez soi partout.

Je me balade dans mon quartier. De chaque côté de la rue principale, plusieurs personnes se jettent des bonjours sonores, heureux de voir que celui qu’on a laissé la veille est encore debout. On ne sait jamais à quel moment Dieu abaisse son marteau. En descendant, je salue la coiffeuse, la couturière, et l’esthéticienne : ici, on aime prendre soin de soi et les espaces pour mettre en valeur la beauté pullulent littéralement. J’arrive à l’un des points centraux du quartier : à ce carrefour, se croisent un cyber-café, un snack- bar, deux épiceries et un « fast-food ». Plus bas, un petit marché de fortune, où chaque matin sont entreposés des vivres fraîchement récoltés dans les champs voisins : légumes, carottes, ignames, patates, plantains. À côté, une poissonnerie. Mais mes courses, je vais les faire dans un marché plus grand. Yaoundé en compte plusieurs dont Mokolo, Mvog-mbi, marché central, Mfoundi. Il existe aussi des grandes surfaces où les européens sont sûrs de se retrouver : Mahima, Casino, Niki, Socsuba. Pas très fréquentés à cause des prix. Qu’à cela ne tienne.

« Taxi, marché Central! » Dans la capitale, le moyen privilégié pour se déplacer est la voiture. Au moins 1 camerounais sur 5 possède un véhicule. Malgré les routes en mauvaise état, malgré certains éléments de signalisation inexistants, on fait comme on peut : les plus habiles se faufilent avec virtuose parmi les piétons, les véhicules mal garés et les vendeurs à la sauvette. C’est à celui qui klaxonnera le plus fort et le plus longtemps pour imposer sa loi. Une véritable jungle d’acier mais qui n’est pas indomptable pour l’initié. Pour ceux qui n’ont pas de véhicules personnels, il leur faut débourser entre 200 et 2500 francs cfa (70 centimes et 5-.) pour emprunter un mode de transport inter urbains. Ceux qui font la faveur de la population sont les taxis, reconnaissables à leur couleur jaune. Viennent ensuite les bus de couleur bleue. Un troisième moyen de transport a fait son entrée depuis quelques années dans ce réseau : les motocyclettes ou Bendskin. Ces deux-roues desservent principalement les zones impraticables pour les taxis. Elles ne sont pas en odeur de sainteté dans le coin, parce que jugées trop dangereuses. Mais si on veut arriver à l’heure à un rdv, il faut souvent s’y plier. Les taxis sont les lieux par excellence pour nouer la conversation avec un inconnu et s’enquérir de la santé du pays. Oui tout va bien, enfin tout irait très bien si… et les passagers de se lancer en conjectures sur ce qui permettrait d’améliorer le quotidien. Les trajets sont bien courts quand on a des bavards pour compagnons.

Il fait chaud, 30 degrés à l’ombre. Je suis au marché. À peine arrivée, je suis immédiatement assaillie par une dizaine de rabatteurs qui tentent tous de me ramener dans leur boutique en me  vantant les mérites de leurs produits. Avec douceur, certains me prennent la main, etc. Mais je ne me laisse pas avoir et je continue ma route. J’arrive devant un étal chargé d’une dizaine de produits de couleurs variées. « Combien le choux ? » question rituelle même si on connaît la réponse « 200 et 500 le tas.» Il faut marchander pour chaque objet que j’achète, c’est la règle du jeu. En échange de quelques centaines de francs cfa, je finis par repartir avec mon panier rempli à ras bord de victuailles. Je suis de retour à temps pour faire le repas principal de la journée, celui qui sera consommé également le soir.
Une fois rentrée au domicile familial, je suis accueillie en fanfare par mes soeurs restées à la maison. Elles me prennent le panier des mains et commencent l’échange rituel :

Q : tu es rentrée ?

R : oui, je suis rentrée !

La route a été bonne ?

Oui, par la grâce de Dieu, elle l’a été!

Il nous reste trois heures de temps pour faire à manger pour quinze personnes et souvent plus. Au menu Couscous – Nkui, un met spécifique de l’ouest- Cameroun agrémenté de légumes verts « folon ». Mes soeurs et moi nous mettons au travail chacune de nous se chargeant de la cuisson d’un des éléments. Ici, on fait la
cuisine tous ensemble. C’est un moment de réunion, on se rassemble toutes et tous dans un but commun. Pour cuisiner, il faut d’abord fendre des morceaux de bois qu’on utilisera ensuite pour
alimenter le feu. C’est la méthode de cuisson préférée par un tiers de la population, le bois à brûler étant moins cher que le gaz. Tout cela se fait dans une ambiance joyeuse, détendu, au milieu de cris et de chants. A 16h, le repas est prêt, juste à temps pour les écoliers qui reviennent exténués de l’école.

19h. Il fait pratiquement nuit noire, le soleil se couche à 18h ici. Je me rends avec des amis de mon quartier à l’un des bars de la ville, au quartier Essos. C’est le point chaud de la ville. Un bar au mètre carré. À l’entrée de ces bars, des femmes assises devant de mini barbecues improvisés à l’aide de jantes de pneus. Elles y font revenir à feux vif qui du poisson, qui du poulet, qui de la viande de boeuf. En guise d’accompagnement, des plantains frits ou grillés et du bâton de manioc, sorte de gâteau à base de manioc. J’arrose le tout avec du vin de palme, récolté dans la région. Pendant que nous nous régalons, nous voyons se déhancher sur la piste plusieurs couples dans une danse endiablée au son des balafons : c’est le medjanng. Nous nous joignons à la foule et lorsque les
percussionnistes achèvent, un DJ prend la relève et c’est sous fond de « Hein Père », chanson à la mode que nous prenons la route pour rentrer chez nous, épuisés, mais heureux de cette belle
journée.

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